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En Conversation avec Aminata, fondatrice d'Ardistes



Je m’appelle Aminata et j’ai 19 ans, je vis en banlieue parisienne plus précisément à Gennevilliers. Je fais beaucoup de choses à la fois donc je sais jamais quoi répondre quand on me demande de me présenter. Mais pour faire simple de manière conventionnelle je suis une étudiante en L2 Biologie-chimie. Et de manière moins conventionnelle disons, je suis une passionnée d’art, tout type. J’ai fondé une communauté, Ardistes, depuis mai 2022, pour les filles de banlieues par des filles de banlieues.
À côté de ça j’ai fondé ma marque, de manière complètement autodidacte, comme 100% des projets que je fais, des vêtements cousus et brodés par moi, Embrasew, depuis juillet 2021.

1. Quand as-tu créé Ardiste et pourquoi ?

Officieusement Ardiste, jeu de mots entre banlieusardes et artistes, c’est un projet qui je pense a été créé dans ma tête depuis petite, j’ai retrouvé des traces dans mes carnets, d’objectifs de vie quand j’avais 14 ans et un de ces objectifs c’était « help little suburban girls ». Je ne sais pas réellement ce que je voulais dire par cette phrase. Apparemment ça avait un sens dans ma tête. Quand j’avais 16 ans, je voulais monter une association pour proposer plein de sorties culturelles aux filles de banlieues et avoir un local où se retrouver et parler de tout ce qui a un rapport avec la culture. Mais c’est vraiment à partir d’avril 2022 que le projet Ardistes a pris forme et il s’est concrétisé en mai 2022.

Le projet part d’un constat et de mon histoire perso, j’avais remarqué qu’il y avait de plus en plus de médias indépendants qui se mettaient à parler de banlieues. Cependant je trouvais qu’il manquait un truc : la représentation des filles de banlieues et surtout la représentation d’une partie de ces habitantes. Des filles qui des fois ont honte de ce qu’elles font, ne se sentent pas à leur place dans leur cités, ou quand elles sont de l’autre côté du périph en plein Paris, parce qu’en fait elles font des arts qu’on qualifie d’arts pas fait pour nous. Des arts que des banlieusards ne sont pas censés faire, à plus forte raison des banlieusardes. Et de ce constat je me suis dit pourquoi pas donner un espace à ces filles pour qu’elles s’expriment parce que je ne voulais pas me mettre en avant moi et raconter mon histoire et faire la porte-parole. Je ne crois pas aux porte-paroles, je pense que chaque histoire est différente et mérite d’être racontée par les concernées.


2. As-tu eu un moment "déclic" qui t'a poussé dans la création de ce projet ?

Mon moment déclic c’est lorsque j’ai participé à l’Académie des Déclassés fondée par Erine Koné. C’est donc au cours de ces ateliers, avec la mise en place de mon Ikigai et avoir été entourée d’un cerveau collectif avec des personnes incroyables que le déclic est venu.

3. Quel a été ton plus gros challenge lors de la construction de ce projet ?

Le plus gros challenge c’est de trouver les Ardistes parce que justement c’est des filles qui des fois n’osent pas montrer ce qu’elles font ou bien les médias en place ne parlent pas d’elles, donc faut vraiment creuser pour trouver. Mais généralement dès que je trouve et que je leur parle du concept elles acceptent les interviews parce que le projet parle et elles sont conscientes qu’on a besoin de cette représentation. Surtout c’est une problématique qui est belle et bien présente et ça, moi, ça me motive, ça me rassure sur le fait que je n’invente pas des problématiques ou que je me victimise. Savoir que son travail parle à des gens, c'est une sensation incroyable.

4. Quelle a été ta plus belle rencontre grâce à Ardistes ?

Toutes les Ardistes que j’ai pu interviewer, celles que je vais interviewer, celles avec qui je vais pouvoir faire des projets. En vrai, toutes les personnes qui permettent de faire évoluer la vision, le projet et qui comprennent le concept.

5. Considères-tu ton projet comme politique ?

La question tombe à pic parce qu’il y a quelques jours de cela je suis tombée sur un post sur le compte instagram onestla.podcast , c’est un média qui a clairement la même vision que nous de la représentation des filles de banlieues. J’ai découvert ce compte grâce aux awards de Plumebanlieue sur Instagram. Le post en question c’était une phrase de la fondatrice de ce podcast, Aim.rea sur instagram, elle a dit « à la base tu revendiques que dalle. ça devient politique parce que nos identités le sont. ». Cette phrase qu’elle a prononcé, lors de son interview pour l’article du Bondy Blog, répond je pense à cette question.

6. Quel est ton rapport aux institutions culturelles et pourquoi ?

Il est plutôt neutre. Je veux dire, je ne vais pas quémander pour qu’elles nous incluent ou nous acceptent. Aussi faut le dire, la plupart des Ardistes et moi-même sommes passées par celles-ci, donc on les remercie pour ce qu’elles nous ont apporté. Mais maintenant c’est à nous de créer nos propres institutions à notre manière et de faire en sorte d’inclure tout le monde. À partir de ce moment-là pourquoi pas, si notre vision s’aligne avec une institution, essayer de faire des collabs avec eux.

7. Quel est le message principal que tu veux faire passer grâce à ce projet ?

Que les filles de banlieue existent et qu’elles doivent toutes être représentées dans leurs diverses personnalités, histoires, vécus. J’ai envie de reprendre une phrase de Tiph , la première Ardiste que j’ai interviewé, « Si personne le fait, tant mieux tu seras l’exception ».

8. Quel est le conseil que tu voudrais donner à ceux et celles qui voudraient réaliser un projet de la même veine ?

Si quelque chose vous dérange ou que vous pensez que vous pouvez l'améliorer, ne vous plaignez pas ou ne critiquez pas, faites-le à votre manière.
Je pense aussi que tout le monde a quelque chose à apporter et que même si on pense que ça existe déjà, faut le faire. Parce que tout le monde est quelqu’un mais personne n’est toi, et personne n’a ta vision.

9. Quel est l'avenir que tu souhaites pour ton projet ?

Réaliser le rêve de la petite fille de 16 ans, pouvoir proposer des ateliers d’initiations de divers arts dans les maisons de quartier, pouvoir interviewer des Ardistes reconnues dans leur domaine et qui ont su faire parler d’elles. Aussi, pourquoi pas ouvrir nos propres institutions et centres culturels. Mais le plus important c’est qu’on n'oublie jamais d’où l’on vient et qu’on soit toujours attaché à nos valeurs.



10. Que souhaiterais-tu voir au sein des institutions culturelles françaises et qui, selon toi, manquent aujourd'hui ?

Inclure toute la culture française dans leur programme parce qu’on sait qu’une grande part de cette culture vient de banlieue. D’un autre côté, c’est paradoxal, mais il faudrait aussi arrêter de tout institutionnaliser parce que je pense réellement qu’il y a des arts qui ne s’apprennent pas de manière conventionnelle.
Le manque de représentation et de diversité de toutes les classes sociales est aussi un problème, mais comme j’ai dit plus haut, en vrai je n’attends pas grand-chose de ces institutions. Merci pour ce qu’elles nous ont appris mais je pense sincèrement qu’on peut faire de grandes choses par nous-mêmes, car comme l’a dit le média Banlieusard Nouveau la culture c’est nous.

Un dernier message à faire passer ? :)

N’enviez personne car vous avez votre propre histoire et personne ne la racontera pour vous. Je suis convaincue que Ardistes ira loin et que tous ensemble grâce à tous les médias indépendants, les acteurs de la banlieue on va changer beaucoup de choses . Et surtout tous les projets qu’on a dans la tête, ils ne sont pas là pour rien. Surtout écoutez-vous et observez-vous car ce que l’on veut réellement faire dans la vie, la plupart du temps, les réponses ont toujours été là. N’attendez rien de personne et faites le vous-même si une idée vous passe par la tête.


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